Transfuge, juin 2015, par Romane Lafore
Rome volcanique
Walter Siti, avec La Contagion, livre un roman baroque au cœur d’une Rome des fous.
Depuis trois ans, il est traduit en France, et sur les tables des librairies, son noms aux accents anglophones vient lancer de fausses pistes : Walter Siti – prononcé « Valter » –, éminent auteur italien, Romain d’adoption comme avant lui Pasolini, a le chic pour bousculer les apparences. Car il n’y a pas que la fascination pour la borgata romaine, ses case popolari et son érotisme éruptif, que Siti partage avec l’auteur des Ragazzi. Walter Siti renouvelle le credo littéraire de l’écrivain et cinéaste auquel il consacra sa thèse : le roman comme terre d’accueil de la poésie, de l’autofiction, et d’une sociologie en immersion pratiquée sans la moindre condescendance.
Dans La Contagion, Siti tente le pari perecquien de raconter la vie d’une immeuble de la périphérie romaine – mille-feuilles de cellules toutes traversées des mêmes axes : la misère intellectuelle, l’homosexualité, la drogue, la quête effrénée d’un corps « parfait », gonflé, hyperbolé, à l’image de l’écriture hors normes de Walter Siti, réinvention d’argots, de lyrisme flamboyant et d’aphorismes télévisuels. Et de l’hyperbole, il y en a aussi dans les trajectoires de ces personnages qui s’entrechoquent sous l’œil du « Professeur », incursion autobiographique d’un auteur qui n’est jamais aussi cruel que lorsqu’il parle de lui-même. Sous les volets de chambres à coucher, derrière les portes des arrières-boutiques, dealers, gigolos, putains, infirmes forment la cohorte d’un roman d’intérieur qui explore l’humanité par ses viscères.