Le un des libraires, 19 août 2015, par Mathieu Baussart (Librairie Quai des brumes, Strasbourg)
Nous naissons au monde avec l’histoire sur le dos, le poids de son héritage incrusté à même le corps. Dans les deux derniers livres de Mathieu Riboulet où l’on traverse notamment toute la décennie 1970, des corps, il y en a une multitude : meurtris, consommés, consumés, ensevelis sous le règne indifférent des États européens et de leur soi-disant paix. À croire que le prix de la prospérité passe par la loi des balles et de l’oubli. Alors, tout est joué ? « Allez donc vous faire foutre ! » se révolte le narrateur et d’emmener dans sa fureur toute une cohorte de corps, cette fois-ci bien debout : corps aux regards brûlés éclatants à force d’affirmation et de courage, qui donnent et qui donnent encore pour apaiser les tensions dans un vacillement qui n’appartient qu’à soi. On comprend qu’ici histoire, sexe, politique ne peuvent être séparés, on comprend surtout qu’ils s’illuminent à la lisière de mots terriblement incarnés, pris à la source de l’intime. Entre les deux livres de Mathieu Riboulet, il n’y a rien d’autre qu’un abri où peut encore resplendir un peu de l’âme humaine.