La Libre Belgique, 11 janvier 2016, par Guy Duplat
Le monde n’existe que comme fable
Tout oppose Olivier Adam et Olivier Rolin, mais on peut cependant retrouver dans le beau récit Veracruz, le thème de « La renverse » et du retour du passé sombre.
La renverse, car Olivier Rolin surprend avec ce court roman, antithèse totale de son précédent, Le météorologue, paru en 2014, et qui était un roman magnifique et triste comme le grand nord sibérien avec ses neiges infinies et ses rares sapins. C’était un livre plein de nostalgie sur l’idéal socialiste broyé par le XXe siècle. Ici, il revient avec un court récit enflammé, romantique, un bijou d’écriture enfiévrée.
Il raconte un séjour imaginaire à Veracruz, le grand port du Mexique, et son attente au bar El Ideal, de Dariana, une jeune chanteuse cubaine qui ne vint jamais. Il avait eu une brève liaison avec elle, elle l’avait ensorcelé en s’amusant « à descendre des chauve-souris qui n’étaient que des furtives émotions de l’ombre ». Mais elle n’arriva jamais au rendez-vous et, à la place, il reçut une enveloppe anonyme avec quatre récits terribles sur un huis-clos dramatique qui avait réuni un quatuor improbable avec Susanna, Ignace, un Jésuite défroqué, El Griego, vieux pervers, et Miller, le parfait salaud. Est-ce l’aveu du terrible passé refoulé de la danseuse aimée ?
Lorsque l’être aimé n’est plus là, « tout devient signe, le monde soudain bavard ne cesse de nous murmurer des messages que nous nous épuisons à essayer d’interpréter. »
Que signifient ces récits ? Dariana est-elle Susana ? Quelle est leur vérité ? N’est-ce pas une fiction dans une fiction ? On s’épuise à tenter de comprendre, de maîtriser la vie au lieu de vivre tout simplement. « Le monde n’est peut-être que fait de hasards, de rencontres, d’éloignements fortuits. Le monde se joue aux dés à chaque instant. »
Ces quatre récits, très littéraires, sont-ils plus vrais ou plus faux que la vie que nous croyons vivre ?
Quand les mots viennent se substituer à la vie, il est déjà trop tard, le moment est passé, dit Olivier Rolin.
Ce roman à l’écriture virtuose est une fantaisie débridée dans un Mexique imaginaire mais est aussi une réflexion sur la littérature et les mots, une quête des conditions du bonheur qui n’arrive que lorsqu’on constate que « le monde n’existe que comme fable ».