Initiales, avril 2016, par Anaïs Ballin (librairie du MuCEM, Marseille)
Incroyable performance que réalise Olivier Rolin avec Veracruz, roman qui colle à la peau vous plongeant dans quelque chose de poisseux et sombre dès les premières pages.
Le narrateur est un écrivain, invité à Veracruz pour donner une série de conférences sur Proust. Un soir à l’Ideal, « entre tequila et mariachis », il croise Dariana et vit avec elle une liaison passionnée. Quand Dariana disparaît, en ne laissant aucune trace, il reçoit un pli, contenant quatre récits.
Dariana, qui se nomme en réalité Susana – ou Susan –, en est la pierre centrale, autour de laquelle gravitent les autres personnages. Il y a Ignace, jésuite défroqué aux préoccupations bien peu « catholiques » qui nourrit d’incessants fantasmes envers Susana. Il y a Miller, son mari, personnage aussi rustre qu’implacablement violent, abusif et sans sentiment. Enfin, El Griego, loin d’être le dernier sur le plan de l’ignominie et dont on ne saura jamais vraiment s’il est ou non le véritable père de Susana mais qui à tout le moins est celui qui l’a élevé et abusé des années durant. Le dernier récit sera celui à la première personne de Susana. Le point commun de ces quatre personnages est la violence inouïe qui émane de chacun d’eux et prend littéralement à la gorge. Tous racontent la même scène donnant lieu à un huis clos étouffant, sur lequel pèse une menace palpable. Rolin instaure une noirceur indéfinissable, prouesse d’autant plus incroyable qu’il en émane quelque chose d’inexplicablement lumineux et beau.
L’auteur incite à réfléchir sur cet irréformable besoin qu’a l’être humain de devoir expliquer, relier, trouver des causes et des effets, livrant comme une vérité ces mots du narrateur : « le monde serait une flamme, une eau bouillonnante, un nuage dissipé par le vent, et il nous échappe d’autant plus qu’on cherche à le saisir », et de conclure plus loin par un lapidaire : « Il n’y aura jamais de paix. Ne croyez pas un mot de ce que j’ai écrit. » Un texte puissant et incandescent comme en trouve tant au catalogue des incomparables éditions Verdier.