Archeologia, juillet-août 2016, par Jean-François Perret
Le bestiaire de la grotte Chauvet
Plus d’une décennie après sa visite de la grotte Chauvet, l’Ardéchois Jean-Jacques Salgon a encore, dans ses mots, l’émotion pure de l’homme du XXIe siècle face à l’art des origines, à l’origine de l’art. Les 120 minutes « dans les tréfonds d’une lointaine mémoire » l’ont marqué. Il n’écrit pas 2 heures, mais bien 120 minutes : il a intensément vécu chacune d’elle. Au point d’écrire dans Parade sauvage : « Chauvet, c’est le Big Bang de l’humanité alors que Lascaux en est la phase stellaire… » Les mots sont forts, et sonnent juste. « Les grandes fresque animalières de Chauvet sont un chant à l’humanité ». Subjugué par l’intensité du regard des lions peints sur les parois, l’auteur les trouve « étrangement humains ». C’est donc pour les artistes de la grotte que ses doigts courent sur le clavier; pour eux qu’il compose Parade sauvage. Sans aucun interdit, il lie les grands animaux du bestiaire de Chauvet au « combat mythologique entre l’homme et la bête »; et ces scènes du fond des temps à la tauromachie d’aujourd’hui. Au fil des pages, Saigon nous promène à travers les millénaires. Face aux peintures de Chauvet, il se dit« exilé et enfermé dans le temps ». Elles lui font « songer à ces graffitis de vaisseaux dont les prisonniers anglais couvrirent jadis les murs de la tour de la Lanterne à La Rochelle… » On voyage aussi géographiquement. En Tunisie où Aymen, ami facebookien, laisse, sur un mur, la trace de sa main rougie par le sang d’un mouton sacrifié pour l’Aïd-el-Kebir. Une main positive si proche de celles laissées par Cro-Magnon à Chauvet. Ont-elles la même fonction conjuratoire?
La faune de Chauvet passée en revue, Salgon fait du canidé, qui a marché sur le sol de Chauvet voici 26 000 ans, « l’ancêtre » du chien ayant conduit, en 1940, Marcel Ravidat « vers les trésors enfouis de Lascaux… » Au gré des allers-retours entre les artistes de Chauvet et nous, finalement l’auteur ne regarde plus les premiers comme ses aïeux mais en fait ses « cousins, frères d’armes et d’art » qui ont peint « le Grand Magic Circus », la Parade sauvage. On s’y laisse volontiers entraîner.