Le 1, 26 août 2016, par François Boyer (la librairie générale, Arcachon)
Les éditions Verdier se consacrent avec constance à révéler les voix majeures de notre littérature, des plus célèbres (Michon, Bergounioux, Rolin…) à celles qui attendent une véritable reconnaissance. Emmanuel Venet est de celles-là. Marcher droit, tourner en rond dure le temps d’une cérémonie mortuaire. Dans l’assistance, le petit-fils de la défunte est seul, semble-t-il à récuser l’éloge de circonstance. Il nous livre alors son propre réquisitoire, véritable dépliage familial d’autant plus sévère que notre narrateur est atteint du syndrome d’Asperger. Son intelligence, sa lucidité et des principes inébranlables le poussent à dénoncer les travers hypocrites qui entachent l’histoire familiale, avec le ton de celui qui s’est résigné à être seul et incompris. On croit par instants tenir un Thomas Bernhard français ; une jouissance honteuse en découle lorsque la méchanceté talentueuse d’Emmanuel Venet devient un hilarant exercice de style. Drame supplémentaire pour ce personnage déterminé à ne rien cacher de lui-même : l’échec de sa propre vie sentimentale qui n’est certes pas une surprise, mais atteint une dimension véritablement burlesque. Emmanuel Venet nous détourne alors subtilement de l’empathie éprouvée jusque-là pour ce forcené déçu par la vie. Mais le plus émouvant tient sans doute dans l’évocation de la figure des grands-pères : en réhabilitant la mémoire de ces deux inadaptés, leur petit-fils parvient à s’extirper de son implacable solitude. C’est dans ces pages que se déploient incontestablement toute la poésie et la lumière du livre.