L’Humanité, 20 avril 2017, par Sophie Joubert
Relever les déluges, tailler la route
Un recueil de quatre récits dont le premier, Farid Imperator, a paru dans l’Humanité à l’été 2015, dans la série « Lire le pays ».
Quatre hommes, quatre époques, quatre paysages du Sud. Quoi de commun entre Frédéric II, empereur des Romains entre 1220 et 1250, Honoré Mirabel, un valet de ferme du XVIIIe siècle, Miguel Samper, maçon espagnol combattant en 1936, et Denis, jeune Marseillais des années 2000, fasciné par un groupe d’anarchistes ? L’écriture de David Bosc d’abord, nerveuse, dense et charnelle. Une façon d’appréhender le monde et le jour qui vient comme si c’était le premier, le seul. Le feu rallumé de l’égalité et de la fraternité, dans le sillage la liberté.
Paru dans l’Humanité à l’été 2015, Farid Imperator suit la destinée de Frédéric de Hohenstaufen, fils d’Henri VI le Cruel et de Constance de Hauteville, de sa naissance à son entrée victorieuse dans Parme assiégée, en 1248. Orphelin à 4 ans, il reçoit la liberté comme un cadeau empoisonné, parcourt l’Europe, apprend neuf langues et l’art de la fauconnerie, va « conquérir la moitié du monde sans jamais tirer l’épée ». « Je voudrais que tout change sans que rien ne se perde », plaide Mirabel devant ses juges, dans la nouvelle qui porte son nom. Honoré est un pauvre diable et un homme heureux. La campagne est son domaine, la maraude, son ordinaire. Une nuit, alors qu’il se couche à la belle étoile, il entend une voix lui indiquer l’emplacement d’un trésor. C’est l’histoire qu’il raconte à un compagnon de bombance, pour lui extorquer de l’argent. Mirabel ira au cachot, non sans avoir fait réfléchir sa victime à la vraie valeur des choses.
Enfant de la Mancha, Miguel Samper s’est engagé dans l’armée républicaine « pour les copains, pour le matin du monde, pour l’égalité ». Après avoir rencontré des frères de galère enrôlés dans le camp adverse, il échouera sur la page d’Argelès, dans le terrible camp où sont parqués les réfugiés. Même entre deux gendarmes, Miguel gardera la tête haute.
Le Manu-Samper de la dernière nouvelle, l’Onagre, est-il un lointain parent du maçon espagnol ? Avec ses amis anarchistes, il part à l’assaut d’un restaurant flottant amarré sur le port de Marseille et allume un feu d’artifice pour les détenus des Baumettes. Observateur conquis mais incapable de renoncer à son autonomie, Denis le lettré veut arracher la belle Mathilde à sa « meute ». Comme les trois autres hommes de Relever les déluges, il taillera la route.
Une route pleine de promesses.