L’Humanité, 31 août 2017, par Sophie Joubert
Pour une éthique de l’attention
Dans les pas des philosophes, un texte de Marielle Macé sur les migrants en France.
Apprendre à nommer, c’est apprendre à regarder. Chercheuse en littérature, Marielle Macé est l’auteure de brillants essais qui convoquent les grandes œuvres pour appréhender notre présent. Bref texte d’intervention en cinq parties, Sidérer, considérer nous invite, en scrutant le sens des mots et la forme des villes, à mettre au centre de nos vies cette « humanité précarisée » que le monde urbain s’applique à cacher. « Devant des événements aussi violents que la “crise des migrants ” il est plus commun, plus immédiat de se laisser sidérer que considérer », écrit Marielle Macé. Considérer n’est pas seulement contempler, c’est déjà agir. Le texte s’ouvre sur l’image de l’éphémère camp d’Austerlitz, à Paris, détruit en 2015. Situé en contrebas de la voyante Cité de la mode et du design, face au siège d’une banque et non loin de la Très Grande Bibliothèque, il est l’exemple même d’une « rencontre exorbitante entre l’exil, la persécution, la bibliothèque et les rêves engainés dans les jolis objets ». Nourri des textes de W. G. Sebald (Austerlitz), traversé par la silhouette de Walter Benjamin emportant en exil sa bibliothèque, l’essai de Marielle Macé chemine vers l’action politique en faisant dialoguer poètes et philosophes avec la pensée en actes des militants d’aujourd’hui. Comme ceux du collectif Perou, qui accompagne la construction dans les campements à partir de l’existant. On ne se déplacera plus dans la ville de la même manière après avoir lu ce petit livre dense et nécessaire.