Daniil Harms
Œuvres en prose et en vers
Traduit du russe par Yvan Mignot. Préface de Mikhaïl Iampolski
Collection : Slovo
992 pages
46,45 €
978-2-86432-437-9
mars 2005
Daniil Harms (1905-1942) appartient à l’ultime génération des grands modernes russes du premier tiers du vingtième siècle. Ses premiers essais littéraires datent du milieu des années vingt. La quinzaine d’années de sa courte trajectoire s’inscrit pour l’essentiel dans les jours noirs de la terreur stalinienne.
Son nom est longtemps resté inconnu du public. S’il sort peu à peu de l’ombre oublieuse pour apparaître comme l’un des écrivains russes les plus importants et les plus influents du vingtième siècle, l’œuvre de cet écrivain étrange n’en demeure pas moins mystérieuse.
La vocation de cette édition – adoptant un indispensable ordre chronologique décloisonnant les genres –, est de donner à entendre, à travers la liberté et l’ironie qui sont la marque de ces textes, toute l’ampleur et la profondeur d’une aventure littéraire utopique qui, au même titre que celle de Malévitch en peinture, ouvre pour la littérature de nouvelles perspectives.
Il est difficile de parler de Pouchkine à quelqu’un qui ne sait rien de lui. Pouchkine est un grand poète. Napoléon est moins grand que Pouchkine. Comparé à Pouchkine, Bismarck n’est rien. Comparés à Pouchkine, Alexandre Ier, Alexandre II et Alexandre III ne sont que des bulles. Et d’ailleurs, comparé à Pouchkine, tout le monde n’est que bulles. Ce n’est que si on le compare à Gogol que Pouchkine n’est lui aussi qu’une bulle.
C’est pourquoi au lieu de parler de Pouchkine, je ferais mieux de vous parler de Gogol.
Mais Gogol est si grand qu’il est impossible de parler de lui, c’est pourquoi je vais malgré tout vous parler de Pouchkine.
Après Gogol, parler de Pouchkine est quelque peu vexant. Mais impossible de parler de Gogol. C’est pourquoi il vaut mieux que je ne parle de personne.
C’est lorsqu’on m’eut enlevé plume et papier et qu’on m’eut interdit de faire quoi que ce soit que j’ai été le plus heureux. Je n’avais plus l’angoisse de faire quelque chose par culpabilité, ma conscience était tranquille et j’étais heureux. C’était lorsque j’étais en prison. Mais si on me demandait si je veux y retourner ou être dans une situation semblable à celle de la prison, je dirais : non, je ne le veux pas.
C’est dans ce qu’il fait que l’homme voit son salut et c’est pourquoi il doit constamment faire ce qu’il a à faire pour être heureux.
Seule la foi dans la réussite de ce qu’il fait lui apporte le bonheur. En ce moment, Zabolotski doit être heureux.
« Un grand sage s’est installé dans une mauvaise maison. » Une telle situation est possible. « Un grand esprit s’est installé dans un homme mauvais. » Une telle situation doit être également possible.
Prix Laure-Bataillon, 2005 (pour la traduction)
« Le spectre du spectre des spectres », documentaire radiophonique de Bastien Mignot sur le traducteur, Yvan Mignot. Il y parle de ses traductions de Vélimir Khlebnikov.
(Site de France culture.)