Soins infirmiers, novembre 2021, par Dominique Sanlaville
Rédigé comme un manifeste percutant, ce petit livre dénonce la très mauvaise prise en charge actuelle des malades atteints de troubles psychiques en France. Les services manquent de lits et de personnel, les urgences sont en permanence saturées et de nombreux patients n’ont plus aucun suivi extérieur. Les équipes soignantes, démotivées par l’absence de clinique et de psychopathologie, supportent en plus une gestion managériale délétère. L’auteur, médecin, explique comment, en quelque trente ans, on est passé d’une psychiatrie humaniste et institutionnelle, fruit de l’idée de la sectorisation, à une psychiatrie industrielle standardisée, protocolisée, malheureusement soutenue par des professeurs émérites. Bénéficiant d’appuis politiques et du soutien financier de laboratoires ou de sponsoring de groupes privés, ils affirment que les techniques d’exploration cérébrale, les biomarqueurs, la génétique et le DSM sont maintenant seuls capables d’expliquer les troubles psychiques. Dans des centres experts pour les diagnostics, ils proposent des programmes de rééducation comportementale ou de remédiation cognitive. Il semble qu’ils imaginent pouvoir bientôt remplacer les soignants par des algorithmes et disposer alors d’un véritable « prêt à soigner ». Belles vitrines, des services transversaux surdotés, hyper spécialisés (addictologie, dépression) se sont ouverts. On y trie les patients alors que dans les autres unités oubliées s’entassent les agités délirants et les malades chroniques. L’auteur veut restaurer une psychiatrie, artisanale, lente, préventive, égalitaire, basée sur une relation soignant-soigné durable, à chaque fois différente. Prenant en compte toute la complexité du psychisme, elle échapperait à cette hégémonie neuroscientiste pour retrouver le savoir indispensable issu de la philosophie et des sciences humaines.