La Liberté, 30 avril 2022, par Tamara Bongard

Une fantastique solitude

Cent ombres n’est pas une comédie romantique à l’eau de rose. Certes, le livre de la Coréenne Hwang Jungeun s’articule bien autour d’une histoire d’amour entre Mujae et Eungyo, deux employés d’un marché électronique aux airs de taudis. Mais les personnages qui peuplent ce lieu voué à la démolition auraient bien besoin d’être réparés, comme les appareils de l’atelier de Monsieur Yeo. Leur monde sans douceur est frappé d’un mal fantastique. Quand elles sentent un moment de faiblesse, les ombres des gens se lèvent et se retournent contre leur propriétaire. Il vaut mieux ne pas les suivre. Ce n’est qu’ensemble, en chantant, en parlant, que les deux jeunes gens feront fuir les ténèbres et la peur.

Ce premier roman évoquera La Fin des temps de Murakami, pour ces ombres qui mènent des vies propres (même si dans le livre du Japonais elles sont tristes et meurent d’être séparées de leur propriétaire), pour la solitude qui entoure les personnages, pour le vide qu’ils semblent renfermer, comme des poupées russes. Très beau.