L’Ours, juin 2022, par Sylvain Boulouque
L’écrivain autrichien Josef Winkler a publié en 1982 en allemand les souvenirs de sa rencontre avec Nietitchka Vassilievna Iliachenko. Ils sont augmentés pour ici d’une préface inédite de l’auteur et de lettres de son héroïne à ses filles. L’Ukrainienne retrace l’itinéraire de cette femme marqué par une double tragédie : la soviétisation puis la nazification de l’Ukraine. Née en 1928, elle a subi enfant la mise au pas des paysans par Staline, avant d’être déplacée de force par les nazis en Carinthie, dans le sud de l’Autriche (où l’écrivain l’a rencontrée). Après avoir décrit la violence de l’occupation allemande, elle revient à son enfance : l’omniprésence de la police politique, la propagande du PCUS, la collectivisation à partir de 1929 puis la famine qui frappe l’Ukraine entre 1931 et 1933. La mort rode, les descriptions sont crues, sans fioriture. « Je vis dans un linceul », écrit-elle. Un témoignage terrible empli d’humanité qui évoque une nouvelle fois les « terres de sang » de cette autre Europe.