Initiales magazine, juin 2022, par Julie Remy (Librairie La Cour des grands, Metz)
Un premier roman des éditions Verdier provoque toujours le même effet. La pupille du libraire se dilate de curiosité car les autrices et auteurs qui sévissent depuis plus de quarante ans sous ces couvertures jaunes ont le chic pour désengourdir la langue et les mots.
Les ondulations de la mise en page du texte d’Hélène Laurain, Partout le feu, ont confirmé cette intuition : une lecture saisissante et novatrice nous attendait. Et voilà que ce texte sans ponctuation écrit à la première personne avec pour sujet l’atome et ses détracteurs nous frappe, nous trouble. C’est un portrait, double, celui d’une génération de militants écologistes et celui d’une région lorraine miroir des travers de nos sociétés contemporaines.
Celle qui nous ébranle avec sa longue prose poétique, c’est Laetitia, la narratrice. Elle est née le 26 avril 1986, trente-neuf minutes avant la catastrophe de Tchernobyl. D’une jeunesse dans la classe moyenne qui se terminera avec des études supérieures sages et longues, elle va devoir affronter – la trentaine passée – le deuil de sa mère et celui de la fiction consumériste dans laquelle elle a grandi.
Que faire face à ce monde qui brûle ? Laetitia et ses amis militants vont y répondre avec leurs armes. Celle d’Hélène Laurain est un texte taillé, poli et repoli, qui laisse place à des insertions de paroles de chansons, des extraits de textes, des images du film de Nicolas Humbert Wild Plants qui imprègnent la vie de Laetitia et le propos du livre en entier.
La lecture de ces cent soixante pages provoque inévitablement un dérèglement de la respiration et on espère que des comédiens ou des lecteurs professionnels vont vite s’en emparer pour aller répandre sur des scènes et sur des planches cette très belle fureur littéraire.