La Revue des deux mondes, février 2024, par Charles Ficat
Nourri profondément de la pensée de Diogène le cynique, auquel il a consacré plusieurs travaux philosophiques, Étienne Helmer, qui enseigne à l’université de Porto Rico, se penche à nouveau sur la figure du mendiant – thème qu’il avait exploré dans Le Dernier des hommes. Figures du mendiant en Grèce ancienne (Le Félin, 2015) et dans l’ouvrage collectif sous sa direction Mendiants et mendicité en Grèce ancienne (Classiques Garnier, 2020). Autant dire qu’il a pu creuser le sujet dans toutes ses dimensions. Son approche se révèle originale à plus d’un titre. Le mendiant est ici abordé d’un point de vue philosophique et non sociologique ou économique, même si figurent au cours du livre des mentions d’ouvrages classiques comme Les Naufragés de Patrick Declerck. La méthode se veut novatrice. Dans sa pratique, Étienne Helmer nous montre combien la philosophie antique peut être utile à la compréhension du phénomène : Platon et Aristote bien sûr, mais aussi et surtout l’école cynique avec son plus illustre représentant, Diogène, qui prône un certain renoncement et un détachement à l’égard des biens terrestres afin de conserver son indépendance. L’auteur puise également des exemples à travers des œuvres littéraires, Mendiants et orgueilleux d’Albert Cossery et Michael K, sa vie, son temps de J. M. Coetzee, et cherche à modifier la perception traditionnellement retenue du mendiant : « L’idée est ici de rendre légitime la mendicité en l’inscrivant dans un cycle d’échange et de réciprocité, avec cette particularité que c’est précisément celui qui mendie qui a eu l’initiative de la relation en donnant ou en transmettant sa sagesse. » Ce renversement de perspective offre des potentialités qui invitent à regarder autrement le mendiant, avec sa noblesse et sa grandeur. La mendicité n’est plus seulement envisagée comme un phénomène négatif, mais comme une interaction féconde. Une leçon à méditer afin de reconsidérer nos manières d’être et d’embrasser la sobriété.