Études, avril 2024, par Alberto Fabio Ambrosio
À l’heure où plusieurs villes de France se préparent à accueillir des visiteurs du monde entier pour les Jeux olympiques de 2024 en dressant des plans d’évacuation des personnes sans domicile fixe, Étienne Helmer, professeur de philosophie à l’université de Porto Rico, ose livrer une importante réflexion philosophique sur la mendicité. Dans les grandes villes, elle ne fait que s’amplifier, comme une excroissance sans cesse grandissante du corps social. Défini comme « l’homme sans » par rapport à « l’homme avec », c’est-à-dire l’être humain bien intégré dans le tissu social, le mendiant est, depuis l’Antiquité, considéré comme la référence sociale, en creux, de l’homme nanti et arrivé, son faire-valoir sous l’angle de la collectivité. Comment parler du mendiant sans une voix digne de ce nom, puisque la société le voit comme un damné ? La réflexion rejoint la discussion sur le concept de forme de vie, que l’on doit à Wittgenstein (1889-1951). À partir de la forme de vie du mendiant, l’auteur construit une analyse critique à la fois de l’espace social (avec une opposition marquée entre le dehors et le dedans) et de la perception du temps. C’est qu’en effet le mendiant met à mal les catégories d’espace et de temps telles que la société de l’accumulation les a développées. Le mendiant est la critique vivante de la gestion de l’espace et de celle du temps, de la forme de la vie en somme, qui est ce qui permet de faire la lumière sur une expérience qui s’écarte des chemins battus. Le livre se veut une invitation à repenser la figure de la mendicité qui peut déboucher sur la critique des catégories figées de la société contemporaine, laquelle n’admet que difficilement tout ce qui ne lui ressemble pas.