L’Obs, 28 mars 2024, par Anne Crignon
Prescrire Ferdinand
Francesca Pollock (de la famille des peintres, oui : elle est la fille de Charles et la nièce de Jackson) est devenue il y a trente ans, par la combinaison fameuse de l’amour et du hasard, la belle-mère de Ferdinand. Ferdinand est différent, c’est ainsi qu’elle le présente. Son syndrome est complexe : colobome, malformation cardiaque, atrésie des choanes, retard de croissance, retard mental, hypoplasie génitale, amblyopie, surdité – quand il était petit, son père utilisait le dessin pour lui parler, sur de petits cahiers. Signe particulier de Ferdinand : sa « danse de la joie » pour exprimer le ravissement, faculté rare et enviable, naturelle chez lui. Ferdinand a une passion pour les réfrigérateurs et par conséquent pour Darty. Ferdinand est fasciné par les gares, traditionnelles ou transformées en autre chose, dont il collectionne les images dans un classeur rouge. Ferdinand peint des drapeaux tous les hivers sur les boules de Noël. Ferdinand ne calcule pas, ne se met pas en scène, ne trahit pas. Ferdinand ramène à l’essentiel. « J’aimerais prescrire Ferdinand », se dit souvent Francesca Pollock quand elle constate que l’humanité en nous se refroidit.