Le Monde des livres, 28 juin 2024, par Elena Balzamo
Nabokov en chrysalide
Composé en 1924, jamais publié du vivant de l’auteur, ce drame politico-passionnel du jeune Vladimir Nabokov (1899-1977) se nourrit d’un traumatisme personnel (le meurtre de son père, à Berlin, en 1923) et de l’expérience de la révolution de 1917, qui le contraignit à l’exil. Même si sa démarche est encore tâtonnante, on distingue déjà des traits qui deviendront sa marque de fabrique : un mélange de dérision et de pathos, une désinvolture ludique, le motif obsédant du double et des reflets de miroir se multipliant à l’infini. Les évidents accents shakespeariens sont mâtinés de clins d’œil à la littérature russe – encore une caractéristique destinée à durer. Cette pièce de jeunesse est une chrysalide, une promesse du papillon nabokovien qui bientôt déploiera ses ailes moirées, d’abord en russe, puis en anglais.