Le Festin, automne 2009, par Olivier Mony
« L’exercice a été profitable, Monsieur. » Ce sont, les cinéphiles s’en souviennent, les derniers mots adressés par le jeune John Mohune à son « maître » Jeremy Fox dans le plus beau film du monde, Les Contrebandiers de Moonfleet. C’est quelque chose de ce genre que pourrait se dire, du haut de ses rêves fracassés, Paco, l’apprenti torero dont on suit le destin « sol y sombra », dans Bleu ciel et or, cravate noire, le très beau deuxième roman du Bordelais François Garcia.
Bordeaux donc, années soixante-dix. Pour Paco, il n’y a de vérité qu’au-delà des Pyrénées, sur le sable ocre des arènes et au plus près du souffle des taureaux. Il va « se jouer la vie » de places de taureaux miteuses en corridas truquées, dans le monde magnifique et corrompu de l’afición. Et au bout de cette éducation sentimentale et tauromachique, l’âpre goût du réel, les aubes froides des horizons perdus. L’Espagne ici est moins une terre, qu’un désir ou un état d’esprit. En des lignes tour à tour picaresques ou méditatives, Garcia dresse un tableau furieux et mélancolique où se déploie le crépuscule d’un pays et s’épuise la jeunesse de son double romanesque. On y a peut-être perdu un torero mais, à coup sûr, gagné un écrivain.