La Nouvelle République, 5 mai 2025, par Jeanne Tesson
Chabris vu par un auteur russe
À l’occasion de la sortie en français de Dans une bourgade paisible de France, La Nouvelle République vous guide sur les traces de l’écrivain Mikhaïl Ossorguine, mort à Chabris en 1942.
Une fois au cimetière de Chabris (Indre), il faut passer la fontaine, puis prendre la troisième travée sur la gauche, dans le carré des Lys. En regardant vers l’ouest, on tombe rapidement sur une tombe blanche, presque intégralement recouverte de fleurs sauvages. Sur la pierre tombale grimpe un rosier. Pas encore fleuri en ce début de printemps, il laisse apparaître les inscriptions en cyrillique qui rendent hommage à Mikhaïl Ossorguine, écrivain et journaliste russe mort en 1942, à Chabris où il était alors réfugié.
« Pas un roman ni un journal ni de simples souvenirs »
En ce mois de mars 2025, les éditions Verdier viennent de publier le livre Dans une bourgade paisible de France dans lequel Mikhaïl Ossorguine raconte sa vie à Chabris entre les mois de juin et décembre 1940. Renonçant à écrire de la fiction, il livre ici la chronique de ces événements minuscules, ces petits gestes du quotidien, qui opposent une Résistance tacite à l’occupant. Traduit du russe par Claire Delaunay, cette édition est la première en français à paraître chez une maison d’édition. Même si, en 2017, une première traduction en français de l’ouvrage avait vu le jour à Chabris. C’était alors le fruit du travail bénévole du Groupe de réflexion citoyen, présidé par Alain Gapteau, en partenariat avec une professeure agrégée de russe parisienne, ainsi qu’avec la participation des élèves du lycée des métiers Albert-Bayet de Tours.
83 ans après la mort de l’auteur, son livre Dans une bourgade paisible de France – qui « n’est pas un roman, n’est pas une chronique, ni un journal, ni de simples souvenirs » , selon Mikhaïl Ossorguine lui-même – est enfin accessible au grand public, au-delà des frontières de Chabris. Pour l’occasion, la Nouvelle République a suivi les traces de son passage dans la petite commune située à l’extrémité nord du département, sur les bords du Cher, en compagnie de Jean-Luc Stiver, historien chabriot spécialiste de la résistance dans l’Indre au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Si l’on sait que l’écrivain a vécu dans la rue Ernest-Pinard, la maison n’est pas précisément connue. Pour autant, le président de l’association Hier en pays de Bazelle a bien une petite idée : « Dans le livre, il parle d’une petite maison berrichonne, qui donne directement sur la rue. » En éliminant toutes les grosses maisons, et celles où on accède par de petites impasses, Jean-Luc suppose qu’il s’agirait de l’une des trois maisons mitoyennes qui composent les numéros 75, 77 et 79.
Le Cher, la ligne de démarcation
En prenant à gauche un peu plus loin, une petite impasse mène jusqu’au moulin de Chabris, sur la rive du Cher, où « il est probable qu’il venait se promener » . « C’était la ligne de démarcation ici » , indique Jean-Luc Stiver. Quand le Cher était au plus bas, certains traversaient à pied. « Il y avait même une famille de passeurs, les Riollet, qui organisait les traversées gratuitement » , précise-t-il. Si Mikhaïl Ossorguine n’a jamais fait cette traversée sous l’occupation, bien qu’à l’époque, il veuille « plus que tout retourner à Paris » , c’est, affirme l’historien, parce qu’il « ne voulait pas passer clandestinement ».