Le Monde des livres, 6 juin 2025, par Florence Noiville
Ce sont deux émigrés juifs russes. Tous deux ont quitté l’Union soviétique dans les années 1970. L’une, l’écrivaine et traductrice Luba Jurgenson, venait de Moscou. L’autre, le violoniste et écrivain Léonid Guirchovitch, de ce qui s’appelait encore Leningrad.
En 2022, après le début de l’invasion russe, ce dernier, installé en Allemagne, s’est rendu en Ukraine par solidarité. Son voyage est devenu le point de départ d’un dialogue qui a donné naissance à ce livre. Il y est d’ailleurs autant question de l’Ukraine et de la guerre actuelle que de l’Empire russe et de « ses avatars soviétique et poutinien », des peuples qui le composaient, du sort des minorités, de la culture et de la langue russe avec lesquelles ni l’un ni l’autre n’ont jamais coupé les ponts.
En forme de conversation à bâtons rompus, ce petit livre ne prétend pas à l’objectivité. « Je dis ce que je ressens, ce sont uniquement mes impressions personnelles », insiste Léonid Guirchovitch. Il est beaucoup question d’un « élève du KGB que l’opposition russe a baptisé “Poutler” », amalgame de Poutine et de Hitler. Mais personne ne se hasarde à faire des pronostics sur la fin du conflit. Seule certitude, selon Léonid Guirchovitch : « Le charme de “l’âme russe”, ce crédit accordé à la Russie – et garanti par Tolstoï, Dostoïevski, Tchekhov, principalement dans les pays qui n’ont pas de frontière commune avec elle – est maintenant épuisé. »