Télérama, 2 juin 1999, par Alain Nevez
« Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui… » : le début du « sonnet du Cygne » de Stéphane Mallarmé est de ces vers que tout amoureux de la poésie porte en lui, et qui se dresse comme un défi aux exégètes mallarméens. Jean-Claude Milner tente donc un pari impossible : proposer une nouvelle lecture de ce poème essentiel.
La plupart des commentateurs y ont vu soit une allégorie du poète exilé soit, plus récemment, celle d’une impuissance créatrice assumée. L’essai donne à cette dernière interprétation une portée nouvelle. S’appuyant sur les changements de ponctuation voulus par l’auteur, Milner met au jour les contradictions qui opposent chaque strophe à la précédente, et le poème entier à toute la poésie. Pour Mallarmé, non seulement l’échec du « chant » est toujours prévisible, mais un succès est impensable et vain. Il n’y a ni d’« ailleurs » ni de « région où vivre ». Mallarmé s’affronte à son siècle : à Baudelaire, à Victor Hugo, enfin aux Parnassiens. Ainsi, le poème résume l’histoire de la poésie au XIXe, qui pour Mallarmé est une « blanche agonie ».