Préfaces, avril-mai 1988
On semblait condamné à lire Damascius (VIe siècle) en bibliothèque, dans une édition et une traduction presque centenaires, lorsqu’est paru en 1986 le premier tome d’une nouvelle édition des Premiers principes dans la collection Budé (Belles Lettres). Et voici qu’aujourd’hui M.-C. Galpérine nous propose la traduction intégrale de ce texte. Plus qu’un effet du hasard, c’est la volonté de réparer une trop longue injustice qui a conduit plusieurs chercheurs à présenter simultanément au public ce nouveau philosophe qu’est pour nous Damascius.
Les Premiers principes s’ouvrent de manière cruciale sur la très redoutable aporie du Tout et du Principe, dont l’examen conduit à terme fait trembler sur ses bases le néo-platonisme tout entier. Damascius prolonge la pensée de ses prédécesseurs qui en lui trouve son achèvement. S’il est le dernier des néo-platoniciens dans les faits, il l’est aussi du point de vue spéculatif.
C’est le grand mérite de M.-C. Galpérine que d’avoir fait surgir dans son introduction les principaux enjeux de cette pensée extrêmement dense, nourrie de la méditation du Parménide de Platon, en particulier ici de la première hypothèse. Elle nous présente les enchaînements dialectiques des principes successifs – indicible, un, non-un, uni – à partir desquels peut se mettre en place la discussion de l’intelligible et de la pluralité et, au-delà, s’instaurer une réflexion sur la nature du lien – procession, participation – d’où resurgissent de nouvelles apories. M.-C. Galpérine voit précisément dans cette dynamique de l’aporie chez Damascius un point essentiel, où se révèle une interrogation inquiète et insistante sur les conditions de possibilité de la connaissance et de l’énonciation.