Le Nouvel Observateur, 7 mai 1997, par Didier Éribon
De 1935 à 1951 : Merleau-Ponty politique
Le volume qui paraît aujourd’hui chez Verdier nous fait parcourir le chemin qui mène des années 30 – les tout premiers textes – jusqu’au début des années cinquante (un second tome suivra). On y trouve des comptes rendus d’ouvrages comme « L’homme du ressentiment » de Max Scheler, en 1935, ou « l’Imagination » de Jean-Paul Sartre, en 1936. Et on s’amuse de voir Merleau-Ponty déplorer, en 1938, que Marx, Nietzsche et Husserl ne soient pas assez connus des candidats à l’agrégation.
En 1943, il défend la pièce de Sartre, Les Mouches, contre les critiques qui ne l’ont pas comprise. Il écrit, à propos du personnage d’Oreste : « Dressé contre les forces douces qui invitent au sommeil, l’homme libre est comme un défaut dans le diamant du monde. » Trois ans plus tard, il donne une interview – au Café de Flore, comme il se doit – à un journaliste de Carrefour. Il y définit l’existentialisme comme une philosophie qui réinscrit l’homme dans la nature et dans l’histoire.
Les textes qui suivent sont tous traversés par la question politique. Il y a d’abord la hantise d’une troisième guerre mondiale et le refus de choisir entre l’URSS et les États-Unis, si fortement exprimé, aux côtés de Sartre et Beauvoir, dans l’émission radiophonique des Temps modernes consacrée au général de Gaulle, en 1947. Viennent alors les polémiques avec les communistes, notamment sur le cas Nizan (dont le dossier est publié en annexe), mais aussi, à l’inverse, avec ceux qui reprochent à l’équipe des Temps modernes d’être bien modérée sur la question des camps soviétiques.
En fin de volume, on revient à la sérénité du savoir, et l’on peut suivre le cours prononcé par Merleau-Ponty en 1951 sur « les Relations avec autrui chez l’enfant », mais qui déborde largement, bien sûr, le cadre délimité par son intitulé.