Libération, 14 janvier 1999, par Robert Maggiori
Ancien chef de la Gauche prolétarienne, dernier secrétaire de Sartre, Benny Lévy, aujourd’hui, écrit « le nom de D. », n’osant pas prononcer l’imprononçable. Ce n’est pas par excès de religiosité : le Nom, et le nom de Dieu, est au centre de la réflexion qu’il livre dans le Visage continu, dont les thèses firent d’abord l’objet d’un séminaire tenu, dans le cadre de l’École doctorale de Jérusalem, à l’université de Paris-VII. « Que doit-il en être de la philosophie pour que depuis toujours la précède le nom imprononçable de Dieu ? » Réponse : bien qu’elle ait tenté d’« inclure ce Nom dans sa geste » et fait de Dieu « le sommet des étants », la philosophie, en réalité, « est tout oubli de ce pro-Nom ». Puisque « le Dieu biblique s’abstrait » et échappe à ce statut que veut lui donner la philosophie, l’histoire de la philosophie elle-même n’aura été qu’une « destruction de la transcendance », un congé donné à la transcendanœ, un adieu. Restaurer le commencement véritable de la philosophie, c’est déchiffrer cet adieu, qui est aussi « à-Dieu », une manière de retrouver « la Parole de Dieu dans le Visage » d’autrui. Lévy s’y essaye, en suivant pas à pas, citation après citation, le texte de Lévinas.