Sud-Ouest, 13 octobre 2013, par Yves Harté
Gustave Courbet, la fin de l’ogre
Même les ogres meurent. C’est ce que nous dit David Bosc dans un court roman solaire et panthéiste. Il a suivi les quatre dernières années de la vie de Gustave Courbet, celui dont on connaît l’autoportrait de jeune halluciné et L’Origine du monde, que très longtemps Jacques Lacan cacha sous une autre toile. Derrière les tableaux, David Bosc est allé débusquer l’artiste dans ses ultimes moments.
En 1873, peu de temps après la Commune, Courbet vient d’en finir avec la peine de prison qui lui a été infligée. On l’a accusé d’avoir suggéré aux émeutiers de détruire la colonne Vendôme. Il s’est réfugié chez lui, dans le Doubs, quand le gouvernement de Mac-Mahon le condamne également à payer une somme folle qu’il ne pourra jamais régler. Il part en Suisse, où il finira ses jours. Curieusement, ces dernières années avaient peu intéressé l’histoire officielle. Erreur réparée. On le voit ventripotent, engloutissant des litres de vin, raffolant des femmes qui viennent s’asseoir sur sa panse pantagruélique, organisant un atelier pour peindre à la chaîne, vendre vite et brader des tableaux qui sortent à cadence industrielle.
Mots crus
C’est un tout autre homme que l’on découvre. Non un contemplatif mais un insatiable qui plonge dans la nature, s’accommode de son exil au bord du lac Léman, se souvient de son enfance à Ornans, de ses débuts de bohème, de sa gloire d’autrefois, des pavés de Paris, et plonge dans les lacs où il aime s’abandonner, vieux bébé rose et nu. Jusqu’au jour où la mort l’emporte, gonflé d’eau, le foie détruit. David Bosc fait de cette Claire Fontaine un bouillonnement de torrent, un livre foisonnant, aux mots crus, qui mieux qu’une biographie décrit au-delà du peintre l’homme révolté que rien ne sut réduire tant il était saisi de la seule idée de la liberté.