La Liberté, 6 avril 2013, par Alain Favarger
Dans le Paris médiéval
Dans un roman de haute virtuosité descriptive, Michel Jullien nous plonge dans le Paris médiéval des scribes, parcheminiers et autres maîtres en enluminures. Tout le mystère des manuscrits anciens, que l’on se plaît aujourd’hui à contempler dans les musées, voilà qu’un écrivain nous en donne à sentir le poids de patience et d’huile de coude. Mais avant de pénétrer dans les ateliers odoriférants du Paris de Charles V, le lecteur fera un détour par Montfaucon, le grand gibet de la capitale, actif sous près de vingt-cinq rois de France. Là où, quelque part entre la gare de l’Est et les Buttes-Chaumont d’aujourd’hui, furent exposées jusqu’à pourriture et dessèchement complets, les dépouilles des plus vils ou illustres malfrats du royaume. Seuls les hommes, paraît-il, avaient droit à pareil étalage de leur mine patibulaire, après trépas. Les femmes condamnées, elles, étaient enfouies vives à deux pas de là. « Mortes bâclées, pour leurs démérites, sans apparat, étouffées de terre. »
Après cette lugubre entrée en matière, l’écrivain nous entraîne dans les ruelles du vieux Paris pour une évocation, tout aussi hallucinante, de l’atmosphère très monacale de la fabrication du livre avant l’imprimerie. Plus qu’un roman, l’auteur nous donne une suite de tableaux d’une richesse stylistique telle qu’elle étourdit le lecteur et brouille parfois sa vue. Mais le jeu en vaut la chandelle pour mieux comprendre pourquoi le Moyen Âge fascine toujours.