Le Magazine littéraire, février 1998, par Aliette Armel
[…] Prison est ainsi le livre le plus juste qui ait sans doute jamais été écrit sur ceux qui partagent dans l’enfermement « cette manière qu’ils ont tous d’être comme perdus sur la terre » : brefs instantanés du quotidien du lieu d’incarcération avec ses violences, ses parloirs parfois piégés, et ses petites joies, longs récits des galères qui ont amené ces hommes dans des cellules réglementaires, où on ne peut les atteindre qu’après avoir passé plusieurs sas, portes blindées, et contrôles d’identité serrés. Les voix se mêlent : phrases en italique, directement extraites de l’écriture des détenus, style incisif de François Bon, qui n’abandonne jamais sa personnalité. Son exigence pousse le langage jusqu’à son extrémité pour mieux accompagner, faire résonner ces mots-clés – planté, autopsie, couteau – qui résonnent comme des gongs au début du livre. […]
François Bon joue sur l’alternance des rythmes, l’âpreté des phrases sans verbe, ou l’ampleur des longues périodes, mais son écriture n’a rien d’une abstraction, il l’inscrit dans la chair des corps meurtris qu’il côtoie, il la transforme en instrument de lutte contre l’indifférence écrasante de la ville qui brise les hommes et les femmes les plus déshérités, désormais « dépourvus d’empreinte dans le monde ».