Philosophie magazine, décembre 2008, par Martin Legros
Génies de la Renaissance
Nicolas Machiavel et Léonord de Vinci ont vécu à la même époque et aux mêmes endroits, et ont jeté un même regard, à la fois désenchanté et entreprenant, sur le monde qui les entourait. Mais si de nombreux indices laissent à penser qu’ils se sont rencontrés et même soutenus dans l’adversité, ces esprits si vifs et curieux, qui l’un comme l’autre notaient et dessinaient presque tout de ce monde de la Renaissance qui surgissait sous leurs yeux, n’ont pourtant pas eu un mot l’un pour l’autre. Les archives aussi sont muettes. C’est pour combler ce silence incompréhensible que l’historien Patrick Boucheron a mis en scène leur rencontre dans le cadre d’une collection littéraire. Il n’imagine pas ce que le génie de la modernité, incapable d’achever un tableau, aurait pu dire de l’auteur du Prince et de sa nouvelle science de la politique, mais restitue avec précision les différents moments, entre 1502 et 1504, où Machiavel et Léonard ont dû se croiser. Sans jamais remplir les blancs. Boucheron fait surgir derrière le théâtre des événements une proximité essentielle, une « connivence intime entre deux mondes, deux rêves, deux ambitions ». Peu importe, suggère l’auteur, qu’ils se soient rencontrés, tant leurs œuvres sont contemporaines, chacune affirmant une même vision philosophique de l’histoire en rupture avec l’humanisme classique, avec l’idéal d’imitation des anciens et de la maîtrise du temps.