La Lettre de psychiatrie française, juin 2012
Prix Charles Brisset 2012
« J’ai vu en rêve une horde de mots qui se perdaient dans l’air et revenaient en lambeaux… je voudrais tellement les ramasser, en faire quelques bouquets avant que le silence n’avale tout et ne s’avale lui-même ».
Les membres du jury réunis à l’Académie nationale de médecine le 11 mai 2012, ont décerné le Prix Charles Brisset 2012 à Solène, de François Dominique, et l’ont remis à l’auteur lauréat chez Tschann Libraire, le 22 juin. […]
Solène, écrit par François Dominique, auteur de plusieurs romans et récits, éditeur et traducteur, est une histoire qui peut être lue comme un roman de science-fiction, une fable sur les pouvoirs de l’enfance, un poème sur la solitude.
Une famille, après un désastre et un exode, vit réfugiée et isolée dans une maison, loin du monde extérieur où les dangers sont présents et interdisent toute incursion. Réunie dans une maison de la banlieue lyonnaise entourée d’un vaste jardin, elle est encore protégée par une bulle magnétique : certains voisins sont partis, d’autres sont morts, le corps désagrégé, telles des poupées d’argile.
Solène, la petite héroïne, la narratrice, regarde ce monde en perdition, s’amuse avec son petit frère Ludo.
Solène, à la fois artifice littéraire et témoin, voix étrange qui lit dans les pensées, narre le quotidien de sa famille. Une puce incrustée dans le crâne enregistre ses paroles, ses pensées, ses rêves. L’inquiétude croît, l’étrange grandit, les mots, exprimés ou non, deviennent dangereux, l’oppression devient constante alors que l’empathie du lecteur pour la famille s’installe.
Mais le chaos est partout. Parfois, la tête de la fillette devient trop pleine de secrets, alors Solène joue aux devinettes ou aux portraits chinois, une manière d’écarter la peur et de coller au présent le plus longtemps. La fillette grandit trop vite, avec des craintes d’adulte et progressivement le gris envahit tout, et les phrases deviennent murmures avant le silence.
Entre le roman et la fable, Solène est d’abord un texte sur la puissance des mots, salvatrice et destructrice. Lorsque la narratrice ne pourra plus dire, la transmission ne sera alors plus possible, à peine une trace pour les générations futures.
Poétique et romanesque frisant le fantastique, Solène, écrit avec un style maîtrisé, ouvre des possibilités à l’infini, comme la vie, tantôt lumineuses, tantôt obscures comme cette maladie de l’ombre qui guette les derniers survivants juste avant la nuit.