La Quinzaine littéraire, 15 mai 1994, par Gérard Noiret
[…] Gil Jouanard sait repousser les tentations élégiaques aussi bien que les assurances du concept. Il reste ouvert. Sa culture livresque au lieu de l’enfermer, le rend disponible aux mélanges naturels et de transformations humaines qui font la force des paysages. Adversaire des systèmes, il définit une démarche matérialiste. Il se confronte au particulier, il l’approfondit sans pour autant rechercher les preuves d’une quelconque prédestination. Relativisant (ce qui ne signifie pas dévalorisant) la tradition poétique qui voit dans Rimbaud son maître et qui est « faite non pour communiquer des messages, mais pour inventer mot à mot la réalité », il s’engage résolument sur le chemin d’un « artisanat » littéraire […].
Même si la cohérence, la rigueur du philosophe ne sont pas son affaire, même si la musique peut l’amener à écouter un secret dans l’épaisseur des choses, très souvent il n’est pas loin de Clément Rosset, lorsque celui-ci affirme, contre les conceptions platoniciennes, que « le réel est ce qui est sans double ».