Ramdam, juillet-août 1997, par Michel Lafargue
Une passion frère
Qui a rencontré ou vu dans un paseo, une fois dans sa vie, Christian Montcouquiol dit Nimeño II, ne peut qu’être ému par le livre que son frère Alain consacre à leur commune passion : la corrida. Comment ne pas se souvenir de cette voix douce, fragile, faite pour la sympathie ? Je me revois, assis à ses côtés sur les gradins des arènes de Vic Fezensac, écoutant ses commentaires sur la faena des novilleros de ce samedi matin de printemps. Jugement juste, empli d’émotion mais sans concession de celui qui reste le plus grand torero français de tous les temps, sur le savoir-toréer de ces apprentis matador de toro. Depuis ce côtoiement fugace, j’admire le toro qui combat et je tremble pour le torero qui l’ennoblit de ses passes.
Ce livre est un excellent texte initiatique. Il nous apprend que l’on parle à voix basse devant les toros, que les toreros de bistrot ont le mensonge aisé, que la faim tenaille le ventre des impétrants avant que la peur de la bête cornue ne leur noue les tripes, que le combat fut rude avant que l’aficion et la profession taurine espagnole n’acceptent la présence de matador français auprès des plus grands d’Espagne. Un livre qui nous donne à sentir le chant flamenco, les fauves de Miura, les poivrons et les crevettes grillés des bars à tapas, les marques de la peur puis de la joie, dans le frémissement des plis de la muleta.
Ce livre est un chant d’amour pour la fiesta brava et un cri de tendresse et de révolte pour ce frère gravement blessé dans les arènes d’Arles, qui, désespérant de ne pouvoir fouler à nouveau le sable du cirque, s’est donné la mort un 25 novembre 1991.
Ce livre est surtout une leçon de vie. Une belle éthique s’en dégage : la façon de parvenir au but fixé est plus importante que le but lui-même. La tauromachie de Christian était faite de cette sincérité parce qu’elle était la tauromachie de l’extrême. C’était sa noblesse et c’est la raison de notre respect.