Le Magazine littéraire, janvier 2010, par Serge Sanchez
Esprit du lieu
La « Grande Sauvagerie » est une propriété à l’écart du village de Saint-Léonard, dans le Limousin. Thérèse Gandalonie, la narratrice, passera sa vie à en décrypter l’histoire. D’abord, il y eut Jean-François Lambert, peintre voyageur qui partit jadis vers le Nouveau Monde et devint, comme on dit là-bas, « coureur de bois ». C’est en hommage à sa mémoire que la propriété fut ainsi nommée. Il faut bien donner une date, appeler les choses. Mais ce n’est pas si simple. En réalité, comme le montre la lanterne des morts qui s’élève ici (la plus ancienne d’Europe !), la Grande Sauvagerie est habitée depuis des temps immémoriaux, quasi mythologiques. Christophe Pradeau nous guide avec ce livre sur le chemin de nos archaïsmes intérieurs, il nous fait remonter vers un temps chaotique, où le conte et l’histoire étaient encore indissociables. Servi par un style superbement ouvragé, il nous dit surtout, comme auraient pu le faire Jean Giono ou Julien Gracq, que la magie n’a pas déserté ce monde.