La Montagne, 5 octobre 2005, par Robert Guinot
Christophe Pradeau enseigne la littérature à Paris XIII. Âgé de 34 ans, il publie son premier roman, La Souterraine, dont les pages constituent des errances à travers notre région, de Lubersac à Donzenac en passant par une ville non nommée, où vit la famille du narrateur.
Tout débute lors d’un hiver rigoureux qui n’est pas sans rappeler celui de 2004-2005. Le lecteur entre dans l’intimité d’une famille composée des parents, d’une fille prénommée Laurence et du garçon, le narrateur. Les deux enfants sont très liés, complices de tous les instants. Ils se trouvent fréquemment assis, dans le récit, à l’arrière de la voiture que conduit leur père. La famille se rend régulièrement chez la grand-mère, le dimanche, à Lubersac. La route semble bien longue, propice à stimuler l’imagination, à favoriser des jeux.
Laurence et son frère s’emploient à tromper le temps pour conjurer la nausée du mal de voiture. Ils s’emparent d’un détail du paysage, de jour comme de nuit, et à partir de là inventent une histoire.
Christophe Pradeau remonte le temps. Le narrateur retrouve ses souvenirs.
Il quitte le présent pour revenir aux années de son enfance, aux années de complicité avec sa sœur aujourd’hui décédée. Il restitue ses jeunes années en hommage à la disparue, comme pour tenir une promesse réciproque.
Le récit s’enfonce dans les années, dans les peurs et les angoisses mais aussi les fantasmes. Les courts chapitres s’enchaînent, servis par une écriture classique et travaillée, douloureuse et oppressante. Des gens, des lieux, des événements se succèdent.
« Laurence avait 6 ans lorsqu’elle reconnut sur elle le souffle de la bête qui se tient invisible dans la profondeur des choses, de la gueule qui nous observe, jouissant sans impatience du spectacle du monde, non s’en prendre plaisir, sans doute, à l’agitation désordonnée de la matière, sachant que toute l’éternité que son temps viendrait ».
Le récit restitue le jeu ouvert des imaginations, le « programme souterrain », la bataille d’Actium…
Angoisse et poésie se mêlent pour apprivoiser la nuit et pour rendre vie à un être disparu, aimé par-dessus tout.
La Souterraine laisse errer sa douleur dans le Limousin, dans une terre en prise avec l’irréel et l’étrange. Les enfants jouent à se faire peur et le récit revisite à sa manière l’histoire. Ainsi, « la route de l’ambre » relate les exploits d’un jeune aventurier fournissant les meilleurs belluaires de Rome. Les phrases entrent dans des labyrinthes de brouillard et des fantasmagories mystérieuses.