La Lettre de la Société des gens de lettres, décembre 2008, par Jean-Claude Bologne
Mathieu Riboulet – Bourse Thyde Monnier
L’Amant des morts, c’est avant tout un ton, une évidence de tragédie grecque, où les personnages endossent leur destin sans se débattre. Un souffle épique, par moments, passe dans ces phrases qui semblent échapper à la plume de l’auteur pour dire la vie, l’amour, la mort, les forces les plus élémentaires. Un fil narratif ténu, pas de dialogues, peu d’anecdotes, mais une tension qui ne faiblit jamais, un ravissement au sens le plus fort du terme. Il est question ici des années sida, où une brèche s’est ouverte dans le train-train du bonheur. Jérôme, débarqué à Paris en 1991, découvre un soir, dans l’escalier, son voisin de palier atteint par la maladie. Il l’accompagnera jusqu’au bout. Rien de moralisant pourtant dans ce bouleversement qui tient de la conversion au sens quasi religieux du terme. À la mort de Fabrice, Jérôme éprouve le besoin urgent de se perdre à nouveau dans une jouissance effrénée. Mais il a appris à se donner autrement, à devenir « l’Amant des morts ». Nous assistons à la confrontation de l’homme et de son destin, dont il assume le poids dans une acceptation lucide, à cent lieues de la résignation. « Prenez, ceci est le monde », dit-il en offrant son corps. C’est sacré. Et terrible.