Dominique Sigaud

Partir, Calcutta

Collection : Collection jaune

144 pages

13,50 €

978-2-86432-763-9

mars 2014

« Il y a dans ce que je suis, comme elle, Calcutta, des palais à l’abandon. C’est le début, il n’y en a pas d’autre. Quelque chose s’est résumé dans cette phrase. Je ne l’ai pas inventée. »
Telle est d’emblée l’impression d’étrange déflagration qui va donner lieu au récit de ce séjour solitaire de la narratrice dans Calcutta, arpentant la ville comme on marcherait au-dedans de soi, assistant à son propre retournement. Elle ignore à son arrivée la place que prendra la voix de Marguerite Duras, résonnant avec ce désir d’ailleurs et de partir qui ne saurait trouver son apaisement que là, dans cet entrelacs de rues, de gens, dans le flux impassible du Gange ou les palais délabrés.

Désir de ce temps de suspens, qui seul permet une véritable disponibilité au monde et une attention à tous les mouvements fugitifs en soi.

Cette parole risquée, tendue, dense, mais aussi ténue et fragile, se tient à la hauteur du défi que se donne l’écriture : « Non pas fixer mais soulever, maintenir la suspension, ne pas décrire mais écrire. »

C’était un dîner à Calcutta le dernier soir, j’avais parlé de la paix de Calcutta, ce sentiment tangible parfois de lenteur, de havre mais ils avaient ri, croyant que je me moquais. Peut-être auraient-ils ri si j’avais parlé de la mienne.

J’avais parlé de cette douceur dans Calcutta que j’aimais tant, s’insinuant parfois à l’écart du vacarme ; ils avaient souligné mon ignorance, mon aveuglement. Ils préféraient employer le mot chaos.

Je suis moi-même un chaos, une étendue que par facilité on pourrait désigner sous ce terme. Je l’ai compris ce soir-là, que j’étais un chaos. C’est sans importance. J’admets être un chaos si Calcutta en est un. J’ai aimé Calcutta. Le vertige. La maladie. La paix. La lenteur. Le silence. J’ai inversé Calcutta. J’étais dedans jour après jour, parcourant à pied ses rues interminables, ses palais, ses foules considérables ; les images se formaient à mon insu, c’était comme marcher au-dedans de soi, retrouver les traces d’un territoire me constituant, image en arrière-plan jusque-là insoupçonnable, qu’exhumaient ses anciens fastes autant que leur chute. Ça n’était arrivé dans aucune autre ville. Ni Venise, ni Alger, New York, Rio, Beyrouth, Berlin. J’ai fini par admettre l’hypothèse, accepter au moins l’idée d’une similitude à première vue invraisemblable entre elle et moi.

Des livres et des gens, blog de Mediapart, 5 avril 2014, par Dominique Conil

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Blog de la Librairie Quai des brumes (Strasbourg), 15 mars 2014, par Sébastien Le Benoist

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De pure fiction (blog), 1er mai 2014, par Isabel Desesquelles

L’évidente solitude

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