Information juive, novembre 1984, par le Grand Rabbin René-Samuel Sirat
Des mérites reconnus
Rabbi Moché Ben Maïmon est considéré, à juste titre, comme l’une des figures les plus éminentes qu’ait connues l’histoire de la pensée juive, puisqu’aussi bien on a pu dire que, depuis Moïse, personne n’a atteint le niveau spirituel et l’influence du Prince des prophètes, jusqu’à cet autre Moché.
Sans doute sommes-nous légitimement fiers de savoir que ses mérites ont été universellement reconnus, au point que son effigie figure au frontispice de la Faculté de médecine de Paris.
Mais connaissons-nous vraiment l’œuvre de ce savant qui s’est illustré dans tous les domaines de la science de son époque : l’astronomie, les mathématiques, la médecine et, bien entendu, la philosophie ?
Son principal livre philosophique est le Moré Nevoukhim, improprement désigné en français sous le titre de Guide des égarés et qui est en réalité un « Guide pour les perplexes ». Qui est ce perplexe, auquel s’adresse Maïmonide ? C’est celui qui réfléchit au sens de l’existence, aux principes de l’éthique, à l’essence des choses et qui se sent attiré par des courants d’idées, des systèmes de pensée, étrangers au judaïsme.
Sans pour autant rejeter avec mépris les contenus des idéologies à la mode, Maïmonide exige de son lecteur une étude approfondie des sources traditionnelles pour pouvoir les intégrer à une réponse cohérente aux problèmes existentiels fondamentaux.
Ce rationaliste déterminé montre, à l’évidence, que l’attrait que peuvent exercer les modes intellectuelles de son temps n’a rien à envier à celui que suscitent nos textes révélés, chez celui qui les connaît. Au contraire, les réponses que propose le judaïsme de son temps et de tous les temps ont de quoi satisfaire les esprits les plus exigeants.
Je ne connais guère d’hommage plus émouvant à la grandeur de la science de Maïmonide que celui du Rav Issachar Selomo Taychtal, mort martyr après la déportation des juifs de Hongrie vers Auschwitz et qui a écrit quelques mois avant de périr, ce magnifique chant d’amour pour Israël et sa foi absolue dans la reconstruction de l’État. Dans son livre La Mère est heureuse avec ses enfants, il insiste sur le génie de Maïmonide qui a admirablement « su mettre en évidence le caractère vrai et inaltérable de l’enseignement des rabbins, interprètes authentiques de la parole de Dieu ».