L’Aurore, 15 septembre 1980, par Paul Giniewski

Le Guide des égarés

Le Guide des égarés, l’œuvre majeure de Maïmonide, a vu le jour vers 1190. Maïmonide est considéré comme le philosophe juif le plus marquant du Moyen Âge et son Guide, comme l’œuvre philosophique juive la plus importante de tous les âges. Elle tend en effet à exposer le judaïsme en termes de valeurs non juives, et à établir une corrélation entre les valeurs juives et les valeurs générales.

La réédition de cette œuvre, dans la collection « Les Dix Paroles », dirigée par Charles Mopsik et dans la traduction classique de Salomon Munk un peu modernisée et allégée de nombreuses notes, représente une contribution majeure à l’établissement d’une bibliothèque de classiques juifs en langue française.

Le Guide des égarés a influencé toute la pensée philosophique juive ultérieure, qui s’y est constamment référée. L’objet originel de l’œuvre est de résoudre la difficulté qui se présente à l’esprit d’un juif croyant, concurremment imbu de réalités philosophiques. Maïmonide a réussi à expliquer les anthropomorphismes bibliques, à dégager la signification spirituelle cachée derrière les significations littérales et à montrer que le spirituel était la sphère du divin. Le fluide représente une explication philosophique des écritures, une « science de la loi », aussi exacte que les sciences physiques.

Maïmonide rend connaissables, en termes d’expérience positive, Dieu, la création, le prophétisme, la nature du mal, la divine providence, la nature de l’homme et de la vertu morale, la loi de Moïse, l’eschatologie, etc. Il élucide aussi de très nombreux passages, d’abord obscurs, des Écritures.

Les dirigeants de la collection « Les Dix Paroles », qui se propose, « à l’abri du remue-ménage et des modes », de publier de grands textes de la tradition juive, mais aussi des études contemporaines s’adressant à un public exigeant, ont fait suivre le Guide des égarés, dans le même volume, d’une des œuvres les plus originales de Maïmonide : Le Traité des huit chapitres.

Ce court ouvrage représente une tentative de jeter un pont entre Jérusalem et la Grèce, qu’on tient pour antinomiques. Maïmonide, en effet, veut rattacher la vision juive de ce que l’homme doit être, à la connaissance de ce que l’homme est. Il veut fonder l’éthique, science de l’homme idéal, sur la psychologie, science de l’homme réel. Le Traité des huit chapitres est en fait considéré comme le premier en date des traités de psychologie. Il fait le point des connaissances, acquises au Moyen Âge, sur l’imagination, la sensation, la raison, les vertus et les vices, les plaisirs, etc. et amorce même une psychothérapie, en abordant le traitement des maladies de l’âme.

La synthèse que Maïmonide a tentée entre judaïsme et hellénisme est illustrée par cette proposition : « Sache que le point sur lequel s’accordent et notre doctrine religieuse et la philosophie grecque et que corroborent des preuves péremptoires, c’est que toutes les actions de l’homme relèvent de lui-même, qu’aucune nécessité ne pèse sur lui à cet égard, et qu’aucune force étrangère ne l’oblige à tendre à une vertu ou à un vice. »