RMM, nº 1, 1984, par P.-X. Despilho
Édition bilingue fondée sur celle de Ruben Margoliot (1951). Joseph Gottfarstein, emporté par la mort, n’a pas pu réviser sa traduction. Le Bahir ou « l’éblouissement » apparaît vers le milieu duXIIe siècle, dans les milieux judéo-provençaux, et sans qu’on sache avec sûreté d’où il vient. Gershom G. Scholem reste son historien le plus pénétrant (cf. : Les Origines de la Kabbale, coll. « Pardès », Aubier Montaigne, 1966, p. 58-211, qui fait, toutefois, une part généreuse à un gnosticisme problématique). Le Bahir apparaît comme un recueil peu ordonné d’explications de passages de la Bible, du Talmud ou de traditions populaires. Sous la forme habituelle du Midrach, des Maîtres répondent, le plus souvent avec bonhomie, aux disciples qui les harcèlent et leur reprochent même d’accroître l’obscurité quand on leur demande la lumière (alors qu’elle ne resplendira et ne sera supportable qu’au bout de « mille générations »). Le Maître semble vouloir les orienter vers une perception polyphonique de l’ensemble des textes ou des signes qui offrent des images ternies de la structure des mondes. Elles bruissent comme des essaims d’abeilles et le sens n’est qu’une introduction à une audition contemplative et active, soutenue et canalisée par la prière, le respect littéral des rites compris dans leur signification profonde, l’observance des préceptes moraux et l’étude perpétuelle de la Loi. Le Bahir, généreux en résonances, est consacré, pour une bonne part, à la traduction symbolique des Dix Paroles de la Création qui introduisent aux mystères des middot et des séphirot. S’il a la réputation d’être mal écrit son verjus ne manque pas de saveur. C’est un des classiques de la Kabbale et cette édition destinée à un large public de langue française mérite bon accueil.