Le Magazine littéraire, décembre 1994, par Jacobo Machover
L’enfant que peint Miguel Delibes ne devra aucune reconnaissance à l’école. Nous sommes très loin du mythe de l’éducation rédemptrice, du savoir académique considéré comme un moyen d’émancipation. L’école, c’est l’enfer, et le parcours initiatique de Daniel s’arrête au moment où il doit partir, la nuit où il rassemble ses souvenirs pour tenter de les emporter avec lui. Cette nuit-là, Daniel ne peut fermer l’œil. Alors, il revit ses aventures en compagnie de Roque le Bouseux et de Germain le Teigneux, la force, l’habileté et l’astuce réunies en une seule petite bande. C’est un regard d’enfant que Miguel Delibes porte sur le village, avec toute l’ironie et la cruauté dont ce type de regard est capable. Personne n’y échappe, surtout pas ceux ou celles qui se croyaient à l’abri de tout bouleversement. Les changements arrivent toujours du dehors, avec la visite inopinée de gens qui viennent de la ville ou de bien plus loin, et qui possèdent l’aura de l’inconnu, de ce que tout le monde veut être, sauf Daniel, pour qui le cours naturel des choses est brusquement brisé par l’espoir illusoire du progrès (« il fut envahi par l’impression très vive et très nette qu’il prenait un chemin différent de celui que le Seigneur lui avait tracé ».)