Sigila, printemps-été 2012, par Béatrice Delaurenti
Historiens et psychanalystes, à l’affût des secrets du passé, liront avec bonheur ce petit ouvrage dont l’auteur parcourt depuis vingt ans les controverses de la scolastique médiévale ; son œuvre originale a exploré entre autres le mythe du droit de cuissage (1995), la naissance de la démonologie dans l’Occident médiéval (2004), les transformations du culte marial au tournant du 13e siècle (2010). Alain Boureau dévoile ici pudiquement la dialectique qui s’est nouée entre l’auteur et l’objet de ses livres. Il écrit en amoureux de la période médiévale, conscient et fier de l’être. Son objectif est de mettre en évidence une proximité entre scolastique et psychanalyse.
Les textes théologiques et philosophiques du Moyen Âge se prêtent à une histoire intellectuelle, à l’étude des méthodes de travail universitaires, mais ils livrent aussi, de façon inattendue, des repères et des outils d’introspection. C’est à partir d’une analyse serrée qu’Alain Boureau y croise des thématiques psychanalytiques, sans toutefois se lancer dans des interprétations inopportunes. Le corpus est médiéval, le mode de raisonnement est celui d’un médiéviste, mais certaines questions se sont posées aux scolastiques comme plus tard aux freudiens : la hantise du doute, qui serait un des « universaux du trouble humain » ; l’exigence de raisonner sur des cas concrets ; le rapport au langage, les bévues des copistes, discrets glissements de sens qui font une place à l’individu dans l’histoire des textes. Sur le ton librement suggestif d’une conversation au coin du feu, l’ouvrage met en évidence l’actualité des écrits scolastiques, leur modernité accessible à tout lecteur, même non-médiéviste, même non-historien.