Vittorio Sereni

Les instruments humains

précédé de Journal d’Algérie

Poèmes. Traduit par Philippe Renard et Bernard Simeone. Préface de Bernard Simeone, postface de Philippe Renard (édition bilingue)

Collection : Terra d’altri

287 pages

20,08 €

978-2-86432-134-7

septembre 1991

De Vittorio Sereni, qui apparaît aujourd’hui, avec Mario Luzi, comme le poète italien le plus important de sa génération, on a pu lire déjà en traduction française Étoile variable, ultime recueil datant de 1981. Cet autre volume propose Journal d’Algérie et Les Instruments humains, soit l’ensemble des poèmes écrits de 1943 à 1965.

Réticent à l’égard d’une modernité dont il n’a pourtant fui aucune des sollicitations, Sereni, pour dominer une angoisse historique née en captivité, durant la Seconde Guerre mondiale, convoque les puissances de la lucidité, de la mémoire et d’un apparent rationalisme aux implications métaphysiques, voire animistes.

En conciliant les exigences a priori contradictoires de la prose et du vers, il instaure un ordre poétique où cohabitent impact de l’émotion première et lent travail de la forme. Cet ordre est ouvert à de multiples lectures qui, par leur extrême diversité, font de Sereni, plus encore que notre contemporain, notre intercesseur auprès d’un futur impensable.

La spiaggia

Sono andati via tutti – 

blaterava la voce dentro il ricevitore.

E poi, saputa: – Non torneranno più –.

Ma oggi

su questo tratto di spiaggia mai prima visitato

quelle toppe solari… Segnali

di loro che partiti non erano affatto ?

E zitti quelli al tuo voltarti, come niente fosse.

I morti non è quel che di giorno

in giorno va sprecato, ma quelle

toppe d’inesistenza, calce o cenere

pronte a farsi movimento e luce.

Non

dubitare, – m’investe della sua forza il mare –

 

La plage

Ils sont tous partis,

débitait la voix dans l’écouteur.

Puis, pédante : Ils ne reviendront plus.

Mais aujourd’hui

sur ce bout de plage auparavant jamais visité

ces taches solaires… Leurs

signaux, à eux qui n’étaient pas du tout partis ?

Et muets quand tu te retournes, comme si de rien n’était.

Les morts ce n’est pas ce que jour

après jour on gaspille, mais ces

taches d’inexistence, chaux ou cendre

prêtes à se faire mouvement, lumière.

Ne

crains rien, m’investit de sa force la mer,

ils parleront.