Bernard Simeone

Cavatine

Collection : Verdier/poche

128 pages

8,90 €

978-2-86432-772-1

octobre 2014

(collection d'origine : collection jaune)

Aux abords d’une ville, dans un garage transformé en studio, un critique décide d’écouter en une nuit l’intégrale des quatuors à cordes de Beethoven en vue d’écrire un article.

Au rythme des pièces qui se succèdent, le creusement obstiné de la mémoire scrute l’absence d’une femme, aimée, perdue, dans le chaos d’une ville, Turin, et la souvenir d’un geste insurmontable.

Le treizième quatuor serait, croyait-il, son dernier. Une suite de danses, populaires ou savantes, détournées de leur but, déchiquetées, prétexte à jeux cruels et courses d’ombres. Une constellation en miettes. Ironique, effaré, lui, le grand sourd, a pris ainsi la mesure du chaos.

Cette nuit, dans le garage, le mouvement lent de son quatuor, la cavatine, cavare, creuser, où certains ne voient que musique assourdie, presque sans grâce, semble écrit par l’espace lui-même qui s’incurve. Là l’écoute, qu’à Comacchio je croyais inaudible, peut s’entendre. Là je voudrais être, demeurer. Pas innocent, pas irréel, pas la proie d’une illusion : juste, au juste niveau. Quand la densité n’a pas besoin de preuve.

Si entendre la cavatine suffisait, le temps de ses notes, pour se sentir fondé, légitime. Ai-je écouté au moins une fois le treizième quatuor avec elle ? Aujourd’hui je suis seul à entendre ce qui la rend présente. Seul à espérer quoi, le pardon ? Elle est morte, le pardon, à la fin, ne pourra venir que de moi. Quel pardon vient de soi-même ? Entendant la cavatine, j’espère qu’il viendra d’une musique comme celle-là, de plus loin que la musique. Attendre de ces mesures la réponse qu’une femme morte ne donnera pas, c’est l’attendre d’une part de moi capable d’habiter ces notes, de les entendre vraiment. Comme le voudrait non pas un vœu de pureté au bout du compte abject, mais ce qui permet encore de parler. S’il est une chose dont je sois sûr, là où maintenant je suis et dont j’ignore le nom, détresse, chaos, gestation, c’est que pour moi, désormais, la cavatine ne peut être en deçà de la faute.