William Butler Yeats
La Tour
Poèmes. Édition bilingue. Traduit par Jean-Yves Masson
Collection : Littérature anglaise
160 pages
15,22 €
978-2-86432-356-3
avril 2002
Paru en février 1928, La Tour est probablement le plus célèbre des recueils de W.B. Yeats. Il doit son titre à Thoor Ballylee, le cottage acquis par Yeats en 1917, dont la tour devient ici le symbole d’un esprit qui monte la garde en temps de ténèbres, grâce à son pouvoir de s’élever vers le ciel des essences avant de redescendre dans le monde sensible. Tous les grands thèmes de l’œuvre de Yeats trouvent ici leur expression la plus accomplie au service d’une conscience aiguë de la nécessité de redéfinir la mission de la poésie dans le monde moderne. Pour Yeats, il n’est pas d’autre fondement possible à la dignité humaine que la prise en compte du destin de l’âme ; le matérialisme, le rationalisme étroit en germe dans la pensée anglaise depuis le XVIIIe siècle, lui paraissent la source de tous les maux. La poésie et l’art sont seuls à pouvoir rappeler la primauté de la vocation spirituelle de l’homme, en dépit des rieurs.
Alors que l’histoire se fait toujours plus sombre et que s’annonce la fin d’un monde, Yeats trouve dans le pouvoir des images une lueur qui le guide dans les ténèbres. Il s’invente une tradition secrète. Byzance lui apparaît à l’horizon de l’histoire comme un de ces moments où s’est réalisé l’équilibre refusé à l’homme moderne, tout comme l’Athènes du siècle de Périclès ou l’Italie de la Renaissance. Mais en même temps que se multiplient les appels à la fuite vers un passé meilleur, La Tour est traversé du rappel insistant que l’éphémère est la loi. La force de la poésie de Yeats est de convertir en vision l’amertume du poète vieillissant face aux tragédies qui accablent l’Irlande, et de faire de sa colère une source de grandeur.
Les nouveaux visages
Maintenant que vous êtes vieille, si vous veniez à mourir
La première, ni le catalpa, ni le tilleul odorant n’entendraient
Mes pas de vivant, et je ne retournerais pas où nous forgeâmes
Des œuvres que le Temps ne pourra entamer.
Que les nouveaux visages, dans les salles anciennes, déploient
Tous les tours qu’ils veulent ; la nuit peut l’emporter sur le jour,
Nos ombres vagabondes errer encore dans les allées de gravier,
Et les vivants, qui sait, paraître moins vivants que les ombres.