L’arrière-pays de Sienne est une terre tantôt prodigue de vert, tantôt âpre et nue. Y naître, y grandir, y devenir adulte, c’est découvrir qu’à l’apaisement du paysage peut succéder soudain sa violence ou celle des hommes. Dans la Toscane provinciale du début du siècle, le jeune garçon des Années impossibles idéalise la figure de son grand-père, autrefois propriétaire d’une auberge, qui l’initie à la plénitude d’une campagne menacée par les passions. Mais ce guide s’éloigne, s’égare dans ses chimères, puis meurt. La brutalité ou la ruse des humains, la sécheresse qui prend possession de la terre et des êtres tel un monstre implacable, autant d’épreuves pour le garçon qui apprend, avec la vie, l’ambiguïté, la cruauté, ce gel qui toujours le séparera des hommes, tout en l’unissant à eux.
Bilenchi explore avec la précision d’un entomologiste et l’intensité d’un poète les plis et replis de l’origine, cette enfance qui nous constitue si intimement qu’elle en paraît incroyable voire, par chacune de ses années, impossible, et qui tisse pourtant tout au long d’une vie, comme le souligne Mario Luzi dans sa préface, les fils d’une temporalité infinie.
L’histoire de cette trilogie est singulière : ses deux premiers temps, La Sécheresse et La Misère, parurent à Florence en 1941. Le Gel, lui, fut publié, isolé, en 1982. L’auteur estima, deux ans plus tard, que ces trois récits, dont le dernier avait été composé plus de quarante ans après les deux autres, constituaient une seule fiction en trois mouvements. Il en remania certains aspects afin d’accroître la cohérence du triptyque.