Alain Fleischer

Mummy, mummies

Avec 9 photographies de l’auteur

Collection : Collection jaune

80 pages

15,01 €

978-2-86432-368-6

octobre 2002

Dans une manière chère à l’auteur – le vis-à-vis en miroir de l’essai et de la fiction, mis en perspective par le souvenir de l’expérience vécue (ici les Fragments autobiographiques 4 et 5) – la question posée est celle de la secrète connivence qui se révèle dans la langue anglaise entre la maman et la momie, désignées par le même mot : mummy.
Photographie et momification ayant partie liée, quatre brefs textes s’organisent autour de neuf images des momies de Ferentillo, un village d’Ombrie où un phénomène naturel a conservé dans leur attitude au moment de la mort des corps qui furent ensevelis dans le cimetière pendant des décennies. Exhumés il y a plus d’un siècle déjà, certains sont depuis exposés dans la crypte de la chapelle et sont devenus des héros de la chronique locale. La plus obsédante de ces figures est la belle Caterina, sorte de Maternité en négatif qu’un amour impossible conduisit au trépas : « La jeune villageoise, avec l’enfant mort-né à ses côtés, est encore là, exhibée dans sa position de mise au monde où la mort la surprit, le ventre distendu, les cuisses ouvertes, le sexe gonflé et béant, le visage encore crispé par la douleur. »
Un petit garçon anglais, en voyage à travers l’Italie avec sa mère, découvre là les deux visages de la mummy : celle par où on entre dans la vie et celle par où on entre dans la mort.

Dans la chambre de l’abbaye de San Pietro in Valle transformée en auberge, sur les flancs de la montagne qui surplombe Ferentillo, là où, le soir même, le petit Anglais partageait le grand lit rustique avec sa mère, l’image fixe continuait de se fixer, infusant son poison dans les eaux troubles du rêve. La fièvre rajoutait à la moiteur de la nuit d’été. L’enfant tournait et retournait son corps en tous sens et, au paroxysme de cette agitation, la tension douloureuse de ce qu’il ne savait pas être une érection l’éveilla à moitié. L’envahissement du ciel pendant la nuit par une épaisse nuée d’orage avait tiré un rideau sur l’univers criblé par des amas de mondes scintillants, et avait confiné la chambre, jusque-là ouverte sur le silence sans fin, et lumineuse comme en plein jour, dans l’obscurité sourde d’un tombeau.