Gil Jouanard

Untel

Collection : Collection jaune

128 pages

13,18 €

978-2-86432-438-6

mars 2005

Avec Untel, Gil Jouanard livre les confidences intimes de N’importe qui, cousin germain du Plume de Michaux, et de Monsieur Hulot, autant dire, pour l’essentiel, vous et moi.
C’est ainsi que, parti pour conter et narrer, il se surprend ici à tomber en poésie (comme on tombe en amour) et, là, à céder aux jubilatoires tentations du sarcasme.
Autant dire que tout cela n’est pas très sérieux.
Un peu comme la vie, en somme.
Pathétique et désopilant. Tel quel.

Untel est une image qui s’avance dans une image un peu plus grande que la sienne propre, où l’on peut reconnaître des arbres, du ciment et des barres de fer tordues : c’est la guerre et ses attributs ordinaires, la guerre et sa musique haute en couleurs, sa franche crapulerie. Untel ne s’y sent pas vraiment plus mal qu’ailleurs, puisqu’il est pratiquement né avec elle, ou du moins avec ses prémices larvaires, et que là-bas, aux confins de la ville et de la campagne, elle a pour le moment laissé libre cours aux vieux vergers, aux claires eaux courantes, aux francs buissons et aux roseaux altiers, aux charmilles, aux kiosques et aux pavillons, au linge que le vent blanchit tendrement, aux cabanes en planches de couleur verte, à des reliquats obstinés de frondaisons doucement ombrageuses.
Untel n’a pas de qui tenir. C’est tout juste s’il peut in extremis s’accrocher à lui-même, lorsque la pesanteur et l’attraction terrestre, aussi bien qu’une malencontreuse racine saillante, le menacent de quelque chute imprévue, quasiment à chacun des pas qu’il se hasarde à faire.
Untel n’a pas de qui tenir. Il naît d’un coup, à la faveur de sa sept ou huitième année, du croisement de l’Histoire avec la Géographie, et de rien ni de personne d’autre. Il naît, si l’on veut, de lui-même et de personne d’autre. C’est parce qu’il s’est lui-même enfanté qu’il peut être comptabilisé au nombre des Humains, plutôt qu’à celui des choses ou, par exemple, des phénomènes géoclimatiques. Il est un être humain, né de lui-même, par autoparthénogenèse, qui grandit progressivement mais inéluctablement et presque à vue d’œil dans l’image ; un peu comme s’il était appelé à y occuper finalement toute la place à lui seul.
Untel était donc bien seul dans cette image. C’est d’ailleurs pourquoi l’on peut si aisément l’y distinguer.