Extraits de la presse allemande

Süddeutsche Zeitung, 2 mars 2020, par Thomas Steinfeld

Lorsque Lutz Seiler, d’abord célèbre pour ses poèmes, a publié Kruso en 2014, son premier grand roman pour lequel il a reçu le Prix du Livre allemand, on savait que ce livre avait été précédé d’une première tentative abandonnée. Stern 111 est, si l’on en croit tous les indices, ce premier essai qu’on croyait avorté mais que l’auteur a repris et finalement achevé. En effet, les deux livres sont étroitement liés, l’histoire de Kruso précédant d’une bonne année l’action de Stern 111. Certes, les livres ne se rejoignent pas. Mais leurs héros semblent être de quasi frères, auxquels vient se joindre un troisième : l’auteur, lui aussi né en 1963 à Gera, en Thuringe, comme son personnage Carl Bischoff.

C’est de l’artisanat en temps d’incertitude qu’il est question, à proprement parler, dans ce livre. Le lecteur apprend avec le protagoniste que l’artisanat est la condition de tout. Si l’on comprend quelque chose, on peut aussi le fabriquer. Ou le réparer, à condition que les outils tiennent bien en main. Cette règle s’applique aussi, comme on le constate après quelque temps, à la véritable vocation de Carl la poésie. Car Stern 111, tout comme Kruso, est un roman d’éducation artistique : il raconte comment un personnage qui erre à travers la vie prend peu à peu conscience de son destin, et devient un poète composant des poèmes sur son établi.

Frankfurter Allgemeine Zeitung, 12 mars 2020, par Jan Wiele

La magie de la littérature selon Lutz Seiler ? Elle peut transformer ce qui semblait banal en une chose tout à fait particulière et même sacrée. Un talus apparemment sans intérêt en bordure d’une voie ferrée devient « la terre promise» lorsqu’un poème de Seiler le déclare tel. Une soupe faite avec des restes se change en une « soupe éternelle» lorsque le charismatique Kruso la prépare, dans le roman éponyme. Et une voiture de l’ancienne Allemagne de l’Est, modèle démodé qui paraît ridicule à notre époque de SUV démesurés, se révèle une boîte aux merveilles dans laquelle on a envie de monter aussitôt après avoir lu Stern 111, le nouveau roman de Seiler.

Der Spiegel, 28 mars 2020, par Xaver von Cranach

Stern 111 de Lutz Seiler est un roman d’aventures, un roman d’éducation artistique, l’histoire d’une relation père-fils, mais surtout, surtout une histoire de liberté, écrit dans une langue poétique violente et exubérante. Il faut être sur ses gardes : au détour d’une page, quelqu’un peut soudain se mettre à traire une chèvre dans un bar de Berlin sans que le lecteur sache si c’est un événement réel ou juste une digression féerique. Ce qui fait de ce livre un si grand roman, c’est qu’il pose la question de cette quête de la liberté (pour les parents de Carl elle aura le visage de l’Amérique, mais non pour leur fils) dans les termes les plus crus et les plus actuels, à l’échelle des destins individuels comme à celle du pays.