Rainer Maria Rilke

Poèmes à la nuit

Édition bilingue. Traduit de l’allemand et présenté par Gabrielle Althen et Jean-Yves Masson

Préface de Marguerite Yourcenar

Collection : Der Doppelgänger

112 pages

12,50 €

978-2-86432-189-7

janvier 1994

Si ce poète habitué aux visitations angéliques s’est voulu insubstantiel, humble, dépouillé jusqu’à la transparence, c’est qu’il se savait né pour transmettre, pour écouter, pour traduire au risque de sa vie ces secrets messages que les antennes de son génie lui permettaient de capter ; enfermé dans son corps comme un homme aux écoutes dans un navire qui sombre, il a jusqu’au bout maintenu le contact avec ce poste d’émission mystérieux situé au centre des songes.

Du fond de tant de dénuement et de tant de solitude, les privilèges de Rilke, et son mystère lui-même, sont le résultat du respect, de la patience, et de l’attente aux mains jointes. Un beau jour, ces mains dorées par le reflet d’on ne sait quels cieux inconnus se sont écartées d’elles-mêmes, pareilles à la coque fragile et périssable d’un fruit formé dans la profondeur de ces paumes, et dont on ne saura jamais s’il doit davantage à la lumière qui l’a mûri, ou aux ténèbres dont il est issu.

Extrait de la préface de Marguerite Yourcenar

Les Poèmes à la nuit, traduits ici pour la première fois intégralement en français, ont été offerts par Rilke à Rudolf Kassner en 1916 et sont l’une des étapes essentielles de la genèse des Élégies de Duino.

Un tel souffle, ne l’ai-je pas puisé au flux des minuits,
pour l’amour de toi, afin que tu vinsses
un jour ?
Parce que j’espérais apaiser ton visage
par des splendeurs à la force presque intacte,
une fois que dans l’infini de ce que j’en suppose
il reposerait en face du mien.
Sans bruit, de l’espace advenait à mes traits ;
afin de suffire au grand regard levé en toi,
mon sang miroitait et s’approfondissait.

 

Quand à travers la pâle division de l’olivier
la nuit régnait avec plus de force, de toutes ses étoiles,
je me dressais, je me tenais debout et me
renversais en arrière, et recevais la leçon
dont jamais ensuite je n’ai compris qu’elle venait de toi.

 

Ô quelle forte parole fut semée en moi
pour que si jamais ton sourire advient,
par mon regard je transfère sur toi l’espace du monde.
Mais tu ne viens pas, ou tu viens trop tard.
Jetez-vous, anges, sur ce champ de lin
bleu. Anges, anges, fauchez.

Sitaudis, 21 janvier 2015, par Éric Houser

Quand on lisait de la poésie

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