Laurence Potte-Bonneville
Fossiles
Voilà donc comment ça commence : dans la nuit de dimanche à lundi, un orage d’une rare violence a foudroyé le grand épicéa qui s’est abattu sur le toit de la maison, berceau de tant de souvenirs d’enfance, où Marie-Pierre se rend toutes affaires cessantes.
Sous la blessure du toit qui bée, la charpente menace de s’effondrer. Il va falloir déménager la phénoménale collection de fossiles de son père. Qu’est-ce qu’elle va bien pouvoir en faire ?
Dans le désarroi le plus complet, Marie-Pierre attend le passage de l’expert, empêtrée dans son indécision, tandis que l’observent du coin de l’œil un chien couleur de rien surgi de nulle part et un apprenti charpentier fasciné par les vieilles poutres et par tous ces fossiles endormis dans leurs casiers. C’est juillet dans les Alpes et le Tour de France devrait traverser dans quelques jours ce village qui a décidément bien changé, avec son plan local d’urbanisme et sa boulangerie flambant neuve.
En tentant de classer les fossiles, Marie-Pierre découvre un petit pendentif en forme d’agneau, avec une étiquette soigneusement calligraphiée par son père : « Don de Grebon ». Grebon, cette clocharde de village qui déambulait sous son chapeau crasseux pour grappiller des framboises et chaparder des œufs, faisait peur aux gamins et parlait à son chien que personne ne vit jamais. Marie-Pierre se souvient. Marie-Pierre rêve. Dans la grange, des ombres passent.
Entrelaçant les époques et les destins, le roman nous entraîne dans ses dénivelés, sur les traces de ces femmes, pas très solides, pas très puissantes, bergères ou vagabondes, qui disparaissent sans témoin. Il se déploie par-dessus les vallées pour nous ramener au désert de Platé, puisque c’est là que cette histoire commence, sur l’immense lapiaz calcaire créé par la dissolution des carbonates, là, au milieu des fleurs d’altitude, où rôdent les chiens, les souvenirs et les fantômes. On cherchera dans leur sillage les traces de ce qui subsiste quand tout s’est effacé, puisque l’écriture, somme toute, est aussi une géologie.