Gil Jouanard
Le jour et l’heure
Cette expression de carnet de bord, qui définit au plus juste la nature des écrits par lesquels je m’efforce de mieux respirer le temps qui passe, désigne bien en effet la position de « tout moi » à l’instant où j’écris : à ces heures de pointe de mon existence, je me tiens juste au bord, sur le tranchant de moi-même. Car c’est là, sur le fil de son avancée ultime, que l’attention trouve la meilleure occurrence pour prendre son vol.
Ainsi mon carnet de bord ne s’étend-il à perte de vue dans mon dos et sous mes pieds que pour, brusquement, faire face au « gain de vue », au grand ouvert, qui peut être suffocant ou éblouissant.
Je me tiens à la latitude et à la longitude de son à-pic, surplombant ce trop-plein qu’aussi bien on appelle le vide.
Et alors, je laisse venir ce qui vient. Ne prenant pas plus au sérieux l’écriture que je ne saurais la négliger.
Le combustible auquel je me réchauffe et me reconstitue, ce sont les mots qui s’articulent sans bruit dans la chambre d’échos qui s’ouvre à moi juste au bord du carnet.
Le Quotidien jurassien, 19 septembre 1998, par Josiane Bataillard
La Marseillaise, 29 août 1998, par Frédéric Joly
« Un livre, des voix », par Claude Mourthé, France Culture, 9 novembre 1998
« Du jour au lendemain », par A. Veinstein, France Culture, 16 septembre 1998